Sur la route du tour, il y a des villes qui donnent la mesure. Entre Revel et Ax 3 domaines, c'est une nouvelle partition qui se joue. A Fa, kilomètre 97, c'est une drôle de sonnette qui prend jour.

Dans un monde où règnent la télé réalité, les concours télévisés, les alpes ont été un des plus beaux plateaux télévisés en attendant les Pyrénées. Les spectateurs et télé spectateurs avaient fait une pré sélection, une dizaine de bonshommes. L'asphalte alpestre a permis de dégager deux hommes, un duo en attendant la suite, un opéra en quatre actes.

Andy Schleck et Alberto Contador, deux acteurs plongés dans les eaux troubles d'une improvisation forcée. Deux acteurs devenus indépendants de leurs équipes rapidement noyées par une concurrence pourtant loin d'être exacerbée. Alors, à Fa, il leur faut trouver la clé de sol d'une nouvelle partition.

Andy Schleck et Alberto Contador, c'est un peu Mozart et Lorenzo da Ponte. Aujourd'hui, sur les routes du port de Pailhères, c'est un peu le début des "nozze di figaro". Quatre actes, un opéra, une oeuvre pour deux chef d'orchestre. Mais ici, au final, il n'y aura qu'un vainqueur, un seul triomphateur, un seul pourra exposer le chef d'oeuvre à son palmarès.

Il est un peu plus de 15 heures et les 175 rescapés d'un tour de France de toute beauté partent à l'assaut des premières rampes des Pyrénées, celles du port de Pailhères. Derrière, on attend la grande explication. On attend les premières notes, le premier acte. Là, c'est bien embêté que nous nous retrouvons en ce chaud jour d'été. Dans la salle, les musiciens sont bien en place prêts à accompagner les deux compositeurs. Les musiciens ont bien joué quelques notes mais c'est un récital que nous étions venu chercher. Vous savez, ce genre de musique que vous gardez en mémoire. On parle souvent de requiem, aujourd'hui, nous parlerons de répétition. Et encore, lors d'une répétition, il y a une part de magie. C'est la face caché de l'artiste, c'est le moment où surgissent les doutes et celui où la perfection devient une quête absolue.

Alors, répétition ? Vous aurez bien compris qu'en ce 18 juillet on ne peut se permettre d'employer un tel mot. Nos deux génies ont joué au chat et à la souris. Contador a bien tenté, timidement. Schleck n'a jamais pensé à répliquer, et pourtant. Pourtant, Il y avait peut être du temps à reprendre. Timide luxembourgeois, inoffensif espagnol. C'est un français qui a donné la réplique aux deux supposés maestros.

Loin du duel annoncé, en attendant d'assister à l'entrée des "grands", dans le même temps, ce sont d'autres artistes qui se jouent des routes au goudron pas toujours très bon. Des funambules posés sur leur bicyclette à l'instar d'un cavalier chevauchant une monture malmené par les tourments d'un terrain instable sans arrêt. Des artistes qui souhaitent tous être la première partie du grand spectacle, du grand opéra.

Là encore, un seul vainqueur. Alors, sur les longues portions en faux plat montant qui constituent l'approche de l'enchaînement final, de nombreux mousquetaires sont de sortie. Un 14 juillet un peu en retard oserait-on dire. Moinard, Riblon, deux moussaillons à l'assaut des pyrénées, fabuleuses pyrénées. Riblon, un drôle de moussaillon prêt à entrer dans la légende du tour. Cette année nous fêtons les premières grandes ascensions vélocypédiques des Pyrénées par la grande messe de juillet, aujourd'hui, nous fêtons un français venu de la piste aux talents cyclistes bien éclectiques.

En parlant de piste, en parlant de duels au couteaux, reprenons notre opéra, revenons aux choses sérieuses. Que dis-je, revenons à un semblant de bagarre, revenons à cette parodie de cyclisme à laquelle nous avons assisté cette après midi. Sur les pentes menant à la station d'Ax 3 domaines nos deux chef d'orchestre ont joué au poker sans jamais osé faire tapis. Jamais l'un ou l'autre n'a osé prendre le risque de tout perdre en pensant tout gagner. Pourtant, n'est-ce point cela un génie ? N'est-ce celui capable du meilleur comme du pire à force de ne vouloir connaître que la gloire et le triomphe assemblés ?

Aujourd'hui, aucun des deux n'a montré ce genre de génie nécessaire aux plus beaux exploits. Force est de constater qu'aucun des deux n'a gagné à ce jeu là et qu'à la fin, celui qui l'emportera sans péril triomphera sans gloire. A l'arrêt à quelques kilomètres de l'arrivée, ils ont joué à un jeu rarement testé sur les routes de la grande boucle. Ils ont bâclé la dernière ascension pour ne pas perdre une seule seconde.

Avec du recul, ces quatre étapes pourraient rapidement se résumer à une doublette entre lundi et jeudi, deux géants qui font peur. Deux étapes, deux actes. Deux géants qui intriguent, deux légendes qui terrifient. Les Pyrénées de ce tour pourraient bien être le don Juan de Mozart.

Pourtant, aujourd'hui, Don Giovanni ne nous a pas séduit. Demain, il lui reste de belles ascensions afin de se mettre en évidence. Demain, Il sera peut être temps de rendre la monnaie de sa pièce à un spectateur resté sur sa faim. Demain en attendant jeudi. Dans le dernier acte, pour Mozart, Don Juan est déshabillé, Don Juan n'est plus ce qu'il était.

Sur les pentes du Tourmalet, nous attendons tout autre chose de cet opéra, une nouvelle histoire. Mais honnêtement, s'il pouvait nous charmer bien avant, ce ne serait pas un problème. Et honnêtement, nos deux chef d'orchestre ont entre leur main de nombreux instruments afin de nous jouer une des plus belles partitions de ces dernières années. Si ce n'est pour nous, faites le au moins pour ces Pyrénées ...

Simon Bernard



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